Une histoire ancestrale

Au cœur du Parc naturel régional des Alpilles, entre les cyprès et les vignes, l’olivier domine. Avec environ 250 000 arbres cultivés sur 2 400 hectares, la Vallée des Baux-de-Provence est le premier verger oléicole de France. Aujourd’hui, on peut encore admirer les vieux arbres pluri-centenaires rescapés du gel historique de 1956 qui cotoient les nouvelles plantations. Ils témoignent d’une histoire humaine, d’un extraordinaire labeur !

L’olivier, emblème de la Vallée

Ici l’olivier est roi. Enraciné depuis les conquêtes phéniciennes, des siècles avant J.-C., l’arbre a forgé l’identité et l’économie locale. Pour ouvrir les pages de l’Histoire de la Vallée et s’immerger dans l’âme provençale, il faut monter sur les hauteurs du rocher des Baux-de-Provence. Accroché au sommet, le village médiéval offre un panorama époustouflant sur ces Alpilles qui ont inspiré tant d’artistes. Un paysage de carte postale baigné de soleil et bercé par le chant des cigales en été, avec cette lumière si particulière sur les champs d’oliviers, les vignes et les vergers soignés, ces moulins qui semblent tout droit sortis des contes d’Alphonse Daudet. Ici, l’olivier change de couleur selon les heures et les saisons, les reflets gris-blanc des Alpilles se mêlent au vif argent de son feuillage éclatant.

Le massif des Alpilles, qui s’étend sur 30 km de blocs calcaires escarpés, regorge de merveilles géologiques visibles à des kilomètres à la ronde. Avec 70 % du territoire couvert par le périmètre de l’AOP oléicole Les Baux-de-Provence, le Parc naturel régional des Alpilles a tout naturellement choisi pour emblème un rameau d’olivier.

Peu d’eau, une grande luminosité, des étés chauds et secs, des automnes et des printemps pluvieux et des hivers doux… l’olivier a trouvé dans la Vallée des Baux-de-Provence une terre d’élection.

Carburant des premières civilisations

Utilisée dans l’alimentation, la pharmacopée et les soins du corps depuis l’Antiquité, l’huile d’olive a accompagné l’humanité et traversé les civilisations. Au fil des siècles, les utilisations de cet arbre généreux qu’est l’olivier se sont développées : s’éclairer, se parfumer, désinfecter, sublimer la musculature des athlètes, sculpter le bois des statues sacrées, allumer les lampes des autels dans les églises… Introduit 600 ans avant J.-C. sur les côtes méditerranéennes par les Phocéens qui créèrent Massilia (Marseille) et initièrent les habitants à sa culture, l’olivier s’y est progressivement installé.

Aimanté par les terres arides et caillouteuses de Provence, il prend racine et apprécie tout particulièrement le microclimat qui règne dans les Alpilles, tout à fait propice à sa culture.

C’est le début d’une longue histoire entre la Vallée des Baux-de-Provence et l’olivier.

Au Moyen Âge, avec le développement du christianisme en Provence, l’olivier devient l’emblème de la Vallée. Utilisée dans les cérémonies religieuses, l’huile des olives locales sert occasionnellement à se défendre, versée bouillante depuis les remparts de la citadelle des Baux sur les assaillants. En 1786, l’Abbé Couture, dans son “Traité de l’olivier”, notait que l’une des particularités de la Vallée des Baux-de-Provence était sa grande richesse en variétés d’olives, et en dénombrait au moins six espèces principales.

Au XVIIIe siècle, de véritables oliveraies se développent et l’huile d’olive devient un bien de commerce, enrichissant cultivateurs et mouliniers.

De l’essor au déclin

Cette expansion économique se poursuit dans toute la Provence jusqu’au XXe siècle. Mais avec le développement du commerce maritime, de plus en plus d’huiles de graines, plus exotiques, moins chères et dont on découvre les usages, sont importées. En 1914, la construction du canal d’irrigation de la Vallée des Baux accélère l’expansion des cultures maraîchères. Enfin, les gels consécutifs de 1929 et 1956 portent un coup d’arrêt au monde oléicole.

La renaissance après un gel historique

L’hiver 1956 reste marqué d’une pierre noire dans la mémoire agricole locale. Après un mois de janvier particulièrement doux, le mois de février enregistre jusqu’à -20 °C ! Du jamais vu en Provence. L’arbre supporte un froid sec et de courte durée, mais pas celui, humide et de longue durée, de ce mois de février. Les oliviers éclatent sous l’effet du gel, car la sève a commencé à monter. Rares sont les oliviers épargnés et les deux tiers du verger oléicole de la région disparaissent. Mais l’arbre a du caractère et ne se laisse pas abattre. Grâce à la technique de recépage (qui consiste à tailler le tronc à 40 cm du sol), il renaît de lui-même en se régénérant par des rejets qui poussent à la base du tronc pour donner un nouvel arbre. On compte jusqu’à quatre troncs repoussés à partir des vieilles souches recepées lors de ce gel dévastateur.

Il faudra la patience et la passion des oléiculteurs pour remettre l’olive sur le devant de la scène et reprendre une part dans l’économie de la Vallée, aux côtés de la vigne et des arbres fruitiers (abricotiers, amandiers, cerisiers…) avec lesquels elle partage désormais l’espace.

À partir des années 1980, grâce à la promotion du régime méditerranéen et au soutien de l’État et de l’Europe, l’oléiculture française se relève enfin du terrible gel de 1956.

Aujourd’hui l’histoire continue. Dans la Vallée des Baux-de-Provence, on aime tellement l’olivier, les olives et l’huile d’olive, qu’on s’attache en permanence à les faire vivre. Il faut beaucoup de courage, de convictions et de valeurs pour faire vivre des traditions.

EN SAVOIR PLUS…

Antiquité
Le climat méditerranéen est apparu environ 10 000 ans avant notre ère, de façon progressive. L’expansion de l’olivier y est étroitement liée. En effet, la contrainte climatique est la donnée fondamentale pour la culture de cet arbre.
Selon les archéologues, la domestication de l’olivier aurait eu lieu entre 3800 et 3200 avant J.-C.
Celle-ci s’est vraisemblablement produite indépendamment dans plusieurs régions du bassin méditerranéen et cela sur une très longue période.
Dès le IVe siècle avant J.-C., on extrayait déjà l’huile en Syrie, à Chypre ou encore en Crète. Vers -1700, la technique s’améliore et les premiers pressoirs à arbres apparaissent en Syrie.
Dès l’âge de bronze, le commerce de l’huile apparaît. Ce dernier est très contrôlé car l’huile est fortement liée aux pouvoirs religieux et économique.

Moyen Âge
La chute de l’Empire romain, l’extension du christianisme, puis de la civilisation arabo-musulmane entraînent un changement au niveau des modes de consommation, des zones de production et aussi des circuits commerciaux. Les Génois et les Vénitiens profitent des croisades pour développer un commerce actif et très fructueux avec l’Orient. L’oléiculture reçoit une impulsion pour répondre aux nouveaux besoins créés par la fabrication du savon et l’apprêtage du textile.

Des amphores romaines, grecques, puis des fûts sont retrouvés dans le Rhône démontrant ainsi un échange commercial important. Une amphore encore intacte contenant de l’huile et datant d’environ 300 après J.-C. y a d’ailleurs été découverte !

À partir du XVIe siècle
S’ouvre une ère d’expansion continue qui va conduire l’olivier à son extension territoriale maximale. Ceci sous l’influence de la demande croissante de la société occidentale de plus en plus industrialisée, pour les savonneries, la mécanique et le textile. Avec la découverte du Nouveau Monde, les Espagnols introduisent l’olivier sur les terres de leurs anciennes colonies des Amériques, comme l’Argentine, le Pérou, le Chili, le Mexique et la Californie. Et c’est au XIXe siècle, lors de l’apogée de la colonisation européenne et de la démographie des campagnes que l’olivier connait son extension maximale. Bien que la superficie des oliveraies ait diminué au cours du XXe siècle, les gains de productivité dans la culture des oliviers et l’extraction de l’huile d’olive ont conduit au quintuplement de la production mondiale d’huile d’olive (entre 1903 et 1998).

En France
En 1840, dernière époque de développement maximal, la France comptait 26 millions d’oliviers sur 168 000 hectares. Dans certains bassins, l’olivier occupait la surface qu’occupe aujourd’hui la vigne. C’était la principale production dans bien des communes.

Ensuite, la concurrence de la vigne en termes de rentabilité, puis le besoin de terres nouvelles lors de la crise du phylloxera marquent le début de la régression. Les gels (en particulier 1929), la concurrence économique des huiles d’olive puis d’arachide coloniales, les premiers grands mouvements de l’exode rural, accélèrent cette déchéance jusqu’à la veille du gel fatidique de 1956. À cette date, la France ne compte plus que 8 millions d’oliviers sur 50 000 hectares.

Les températures terribles (-20 °C) qui frappent le sud de la France en février 1956 surviennent après un mois de janvier particulièrement doux qui avait favorisé le réveil de la végétation. Les deux tiers des oliviers sont décimés. Il n’en reste plus que 3 millions sur 20 000 hectares.

À la fin des années 1980, la consommation d’huile d’olive augmente de manière sensible. On en consomme au niveau national deux fois plus qu’à la fin des années 1970 (40 millions contre 20 millions de litres en 1978). En 2000, ce sont près de 100 000 tonnes annuelles d’huile qui sont consommées par les Français.

Pour la campagne 2018-2019, la production d’huile d’olive en France est estimée à 5 900 tonnes, alors que 3,13 millions de tonnes sont pressées dans le monde. Pourtant, en France, on en consomme bien plus que l’on en produit : l’équivalent de 110 000 tonnes. En fait, la production nationale ne représente que 4 % de la consommation française. L’huile d’olive est principalement importée d’Espagne, d’Italie et de Tunisie.
Concernant les olives de table, la consommation s’élève à 68 000 tonnes. La production française de 1 200 tonnes ne représente que 2,5 % de la consommation nationale.

L’olivier, symbole de paix

Avec son port rond, son écorce grise, son feuillage argenté et ses fruits nourrissants, l’olivier fascine les hommes depuis des millénaires. Dans la mythologie grecque, Athéna et Poséidon se disputent la possession de l’Attique et choisissent comme arbitre Cécrops, le premier roi du territoire. Poséidon frappe l’Acropole de son trident, en fait jaillir une source d’eau salée et offre à Cécrops un magnifique étalon noir capable de faire gagner toutes les batailles. Athéna gratte sa lance et fait naître, de la terre brûlée par le soleil, un arbre immortel permettant de nourrir et de soigner les hommes : l’olivier. Cécrops juge le présent de la déesse bien plus utile pour son peuple, et c’est elle qui devient la protectrice d’Athènes. Un symbole de paix et de sagesse que l’on retrouve dans la Bible, qui raconte que la colombe envoyée par Noé après le Déluge revint avec dans le bec un rameau d’olivier. Dans le judaïsme et le christianisme, l’huile d’olive est ainsi utilisée pour les onctions sacramentelles et l’olivier symbolise la paix et la réconciliation. Dans le Coran également l’olivier est un arbre béni, symbole de l’homme universel, et l’huile d’olive est source de lumière divine pour guider les hommes. Plus tard dans l’Histoire, c’est l’ONU qui symbolise la paix universelle avec une couronne de rameaux d’olivier entourant le monde sur son drapeau.

Différentes utilisations de l’olivier

Traditionnellement, l’huile d’olive est utilisée en Méditerranée pour les soins de la peau, la fabrication d’onguents et de savons. Le savon d’Alep ou le savon de Marseille, contenant de l’huile d’olive, sont des exemples d’utilisations mêlant santé et bien-être.
Les oliviers, en tant qu’arbres ornementaux, sont très recherchés. Il existe une véritable histoire d’amour entre cet arbre et les populations du bassin méditerranéen.
Durant des millénaires, l’huile d’olive a été source de lumière dans les lampes à huile méditerranéennes.
Jusqu’au XIXe siècle l’huile d’olive lampante était énormément utilisée pour assouplir les tissus, graisser les fibres de textiles, mais aussi comme lubrifiant naturel des plus performants pour la mécanique. En effet, elle possède une excellente viscosité, est non-siccative et ne s’évapore que très lentement. Elle ne se transforme pas en un résidu gommeux et collant de manière rapide. La production d’huile pour l’industrie est aujourd’hui infime. Elle est concentrée en Syrie, Tunisie et Turquie. Elle est principalement utilisée sur place et n’est quasiment pas exportée.
En Italie et en Espagne, il existe des usines produisant de l’électricité avec les grignons d’olives (résidus solides issus de la fabrication de l’huile) comme combustible.
Les grignons d’olives peuvent également servir à l’alimentation du bétail, à la production d’huile de grignons.
Tout est utilisé dans l’olivier : la feuille pour des décoctions, le bois aussi bien pour la combustion que pour la fabrication d’outils de table ou de décoration, les résidus de pâtes comme engrais, les noyaux pour la combustion ou comme isolant électrique…

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